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2009 : Trois choix possibles pour les Verts
Comme toute crise importante, la grande crise financière, économique, sociale, écologique, ouverte en 2007 et qui se prolonge depuis, va entraîner de grandes recompositions politiques. Les Verts ne seront pas épargnés, d’autant plus qu’ils sont un parti jeune, qui n’a connu qu’une grande période politico-économique : celle du néolibéralisme triomphant.

Les Verts sont nés en 1984, pratiquement au moment où le capitalisme mondial s’engageait dans sa longue dérégulation néolibérale et où le PS s’adaptait, avec « le tournant de la rigueur », à cette nouvelle donne. En 2009, à notre avis, les Verts se trouvent à la croisée des chemins.

Les Verts ont le choix entre trois grands choix politiques dans la nouvelle période ouverte par la crise durable du capitalisme financier globalisé : s’adapter, disparaître ou renaître. La gauche des Verts doit défendre la troisième orientation et en tirer les conséquences immédiates.

L’adaptation : l’alignement sur le Parti Vert Européen et la perspective d’un capitalisme vert

Les Verts peuvent d’abord se présenter comme les meilleurs défenseurs d’une adaptation du capitalisme avec la perspective d’un nouvelle croissance et d’un capitalisme vert.

C’est le sens de la candidature de Daniel Cohn-Bendit, aujourd’hui figure de proue du rassemblement Europe-Ecologie. C’est la ligne des textes adoptés par le Parti Vert européen, en octobre 2008, à Montreuil (cf. http://www.europeangreens.org). Il s’agit de « mettre une laisse verte au capitalisme » (Put capitalism on a green leash, résolution spéciale des Verts européens adoptée sur la crise économique). Il faut organiser la collaboration des salariés et des patrons pour un verdissement de la société (résolution « sociale »), puisque « tous les citoyens, par exemple les consommateurs, les étudiants, les travailleurs, les dirigeants d’entreprises (business leaders) (doivent) se comporter de façon responsable » pour atteindre une « nouvelle société juste ».

Sur cette ligne politique, les Verts français deviendront un parti charnière, à droite du PS français, pouvant s’allier avec la gauche comme avec la droite, par exemple avec le Modem, où siègent d’ailleurs deux anciens secrétaires nationaux des Verts. Les Verts deviendront le PDGE, le Parti de la Gauche Environnementaliste, défendant, comme le « patronat éclairé », le capitalisme vert (Green Business avec Green Deal).

C’était la ligne de Cochet et Baupin à Lille, dans le texte Unir, avec la volonté de « dépasser les Verts » par la campagne Europe-Ecologie, en répondant à la « catastrophe écologique » par différentes propositions qui adaptent, en « urgence », le capitalisme pour la survie de l’humanité. Mais c’est aussi la ligne implicite de la direction Duflot-Placé, avec beaucoup moins d’ambition, car elle vise des places d’abord, avec une vision de notables verts de l’écologie et un horizon : les régionales pour conforter les élus et leurs amis.

Certes, le dernier CNIR des Verts, en janvier 2009, a remis en cause les textes adoptés par le Parti Vert européen (PVE) sur l’Europe. Mais les statuts, depuis 2004, érigent le PVE en un vrai parti politique, ayant compétence à l’échelle du continent, en particulier sur les élus. Les candidats éligibles pour les européennes ont été déjà désignés et les textes européens adoptés selon les statuts. Seule une campagne autonome des Verts, une réorientation d’Europe-Ecologie et une bataille politique au sein du PVE pourraient changer la donne.

La disparition dans la mouvance du PS

Les Verts peuvent considérer que la crise réactive le clivage gauche-droite et que la majorité de la population va se rassembler derrière le principal parti politique de gauche aujourd’hui : le PS. Ils devraient, dans ce cas, instaurer un partenariat privilégié avec le PS, pour coller aux aspirations de la population.

Or le PS s’est rallié, depuis 2002 (merci Jospin et tous les autres), à une vision bipartisane de la politique en France. Les autres partis ou courants n’existent pas pour les dirigeants actuels du PS. Soit ils ne veulent pas gouverner (l’extrême gauche) : le PS leur prend leurs voix au deuxième tour et gouverne sans eux. Soit ils ne peuvent gouverner que selon le bon vouloir du PS, qui les associe si possible aux dossiers les plus difficiles, leur prend leurs idées, s’approprie le résultat du travail de leurs élus et les marginalise dès qu’il peut (Verts, MDC, PRG, PCF…).

Une partie des Verts (le courant Voynet-OAI) a bien compris, à l’expérience, ce que recouvre le « partenariat privilégié » avec le PS, que d’autres appellent « e baiser qui tue ». Ils ont en tiré la conclusion qu’il vaut mieux être dans la mouvance socialiste pour l’écologiser de l’intérieur. Ce courant attend un signe d’ouverture du PS, pour peser à l’intérieur, avec tous ses élus et son groupe. Associé à la direction des Verts en décembre 2008, il en est déjà sorti au CNIR de janvier 2009, faute de place éligible aux européennes. Comme la question des places se reposera aux régionales de 2010, ce courant attend… l’échec de la direction des Verts et un signe du PS pour entrer dans la mouvance socialiste en liquidant les Verts au nom d’une « refondation de la gauche ».

La renaissance dans les mouvements sociaux

Les Verts ne sont pas nés de rien. Le véritable acte de naissance de l’écologie politique est mai 68, que le journaliste environnementaliste Roger Cans appelle, dans sa petite histoire du mouvement écolo en France, « le grand accoucheur ». C’est après le mouvement de mai 68 que l’écologie devient politique, au sens d’une remise en cause générale du fonctionnement de la société. Ce sont les mouvements associatifs, les luttes, notamment antinucléaires, qui vont pousser, en 1984, à la fédération des organisations de l’écologie politique dans un nouveau parti, différent de tous les autres : les Verts.

Aujourd’hui la question se repose, mais en de nouveaux termes. Les Verts ont échoué à devenir un parti différent des autres, dans leur fonctionnement et dans leurs idées politiques. C’est un rassemblement d’élus et de leurs amis, peu inséré dans les luttes sociales, même environnementales ; un peu comme le PS mais, en très petit (8000 adhérents contre 200 000 environ). C’est un parti sectaire, dont le discours, même celui de la dernière AG de Lille, est de faire croire qu’il a toujours eu raison et qu’il aurait le monopole de l’écologie.

Or tous les partis aujourd’hui se réclament de l’écologie, même à droite. Il faut donc élaborer une nouvelle vision politique écologiste de gauche, généraliste, répondant aux problèmes actuels de la crise du capitalisme. Cette vision nouvelle se construira collectivement, à partir des apports internes aux Verts, mais pas seulement. Elle a besoin des apports de tous les citoyens qui résistent aujourd’hui à la politique libérale et autoritaire de Sarkozy-Fillon : écologistes de gauche, communistes ou socialistes unitaires, avançant vers l’écologie, jeunes sans parti, révoltés par la situation de la planète et leur condition de précarité permanente.

Il faut aussi construire un autre parti écologiste de gauche, à partir des Verts notamment, mais pas seulement. Car il faut rompre avec le fonctionnement élitiste et électoraliste des Verts, parti d’électeurs avec quelques élus et leurs amis. Il faut un parti ancré dans la société et ouvert sur les mouvements sociaux ; donc un parti avec des militants, agissant dans différents domaines (du parti, des institutions, des mouvements sociaux …), ne cumulant pas les mandats et organisant la rotation des fonctions. Ce que certains (Albano Cordeiro et Jérôme Gleizes, Ecorev n° 2, 3e trimestre 2000) ont appelé un parti-société, toujours ouvert sur la société civile, participant à la fois aux élections et aux mouvement sociaux pour une transformation écologiste, sociale et démocratique du système et le dépassement du capitalisme.

Les tâches de la gauche des Verts

La gauche des Verts doit défendre la troisième orientation politique – la renaissance des Verts par leur ouverture aux mouvements sociaux. Cette orientation est conforme à tout ce qu’elle propose depuis plusieurs congrès. Elle est d’actualité avec la crise du capitalisme et la nécessité d’y répondre dès maintenant. Mais comment agir dans le court terme pour cela, comme courant organisé dans les Verts en ce début 2009 ?

D’abord en participant prioritairement aux luttes sociales, aux mouvements sociaux, qui sont entrés dans une nouvelle phase, après la grève générale du 29 janvier 2009 et les 2,5 millions de manifestants dans les rues ce jour-là-là. En faisant notamment avancer, dans les luttes, des propositions d’écologie populaire : une nouvelle répartition des richesses en faveur de la grande majorité de la population et en défaveur des catégories les plus riches, capitalistes et technocrates ; une autre façon de produire et de consommer, écologiste, solidaire, citoyenne, remettant en cause le système capitaliste.

Ensuite, en défendant aux élections européennes, les candidats en phase avec ces mouvements sociaux, quitte à exercer notre droit à l’abstention par rapport aux autres. À quoi servirait en effet l’élection de partisans du « capitalisme vert », s’ils deviennent, au Parlement européen, des adversaires des luttes sociales anticapitalistes auxquelles nous participons ?

Enfin, en favorisant les débats, les contacts unitaires avec toute la gauche anticapitaliste qui lutte, et d’abord avec la gauche écologiste et sociale qui se fédère aujourd’hui. Les Verts nationalement et la gauche des Verts, en particulier, doivent participer à la nouvelle initiative de la Fédération écologiste et sociale, pour l’influencer dans le sens des idées écologistes de gauche et pour préparer les échéances futures liées à la crise, bien au-delà des élections européennes de juin 2009.

S’adapter au capitalisme, disparaître dans la social-démocratie ou renaître plus forts par une bonne insertion dans les mouvements sociaux actuels : ces trois choix seront probablement tranchés en 2009 chez les Verts. La gauche des Verts doit faire le choix de la renaissance et s’y consacrer dès maintenant.

Jacques Stambouli
 

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