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L’écologie politique a besoin d’une troisième dimension
L’écologie politique a besoin d’une construction politique. Si aujourd’hui elle se cherche des espaces d’existence et des espaces électoraux qui lui assurent une vie publique, elle peine à rencontrer des lieux politiques collectifs qui la nourrissent de nouveaux contenus. Les fondements philosophiques et théoriques qui pourraient lui servir d’appui ne manquent pourtant pas depuis une trentaine d’années. L’opinion publique, peu enclin à ses idées jusqu’à présent, pouvait constituer un obstacle mais les dernières élections européennes ont montré que les réticences populaires étaient vaincues. Mais une construction politique exige plus qu’un programme électoral aussi novateur soit-il, comme a pu l’être celui d’Europe Ecologie aux Européennes. Les électeurs ont été sensibles à ces prémisses d’une construction nouvelle et ont signifié par leurs votes qu’ils confiaient leurs espérances à ceux qui les ont apportées sur l’échiquier politique. Il faut maintenant convertir ce vote « pour voir » en un véritable vote de confiance.
Conscients de ces nouvelles exigences et aspirations populaires, les militants politiques de gauche, toutes tendances confondues, peinent pourtant à suivre les changements mentalistes de l’opinion publique. J’ai tendance à penser que les électeurs vont plus vite que les militants. Il est certes plus facile de vouloir du nouveau et de l’attendre que de le fabriquer et le proposer. Mais les organisations politiques ont eu trop tendance ces dernières années à vouloir « coller » à l’opinion publique ou au mouvement social et ont perdu leur capacité à créer du nouveau qui est pourtant au fondement de leur existence. Elles ont perdu cette capacité à produire du « politique » trop occupé à produire de l’« électoralement correct » !
Engluées dans leurs affichages électoralistes, les organisations politiques n’ont cessé de pratiquer ce que j’appellerai « l’affichage politique » qui consiste à tenir des discours accrochés à des signifiants tels « anticapitaliste » ou « antilibéral » pour les uns ou « développement durable » pour les autres, signifiants décrochés de leurs signifiés et qui courent toujours derrière. Elles n’ont cessé de clamer leur identité de « gauche », d’épier et de dénoncer les dérives droitières ou centristes des uns et des autres avec des pointes de paranoïa plus ou moins aigüe selon les moments. Cette obsession à maintenir le curseur à gauche leur a fait perdre de vue l’essentiel : c’est par le contenu politique que l’on juge de l’orientation d’un projet pas à l’intensité des déclamations !
Car s’est-on posé la question de savoir ce que représentent aujourd’hui réellement dans la tête des électeurs la droite et la gauche ; la latéralisation mentale en politique n’aurait-elle pas besoin d’une nouvelle rééducation ? A moins que des expériences de gauche passées et des discours de droite aujourd’hui n’aient définitivement brouillé les repères d’antan ? Sans forcément en avoir pris conscience, les électeurs ont construit de nouveaux paradigmes qui les amènent à avoir des exigences de renouveau envers les organisations politiques. Sans en avoir conscience, l’écologie politique a contribué à bousculer les cadres conceptuels et surtout imaginaires mais elle n’a pas encore trouvé les espaces qui pourront en assurer sa traduction politique dans les instances de gestion et de pouvoir. C’est la raison pour laquelle elle s’est plutôt concrétisée ces dernières années dans des expériences citoyennes sous la forme de coopératives de toutes sortes qui transforment à leur échelle les modes de vie et de production. L’écologie politique est une force de transformation sociale, civilisationnelle et environnementale, elle ne peut être que radicale car elle repose sur des changements qui exigent de nouveaux enracinements politiques et sociétaux. C’est en effet à la base qu’il faut reconstruire. Elle ne peut pas être révolutionnaire dans le sens ou elle nécessite une croissance nouvelle à partir de racines nouvelles. Elle doit donc s’inscrire dans le temps et ne peut promettre un changement du jour au lendemain même si elle accédait au pouvoir demain. Mais elle exige dès demain de semer les nouvelles graines du changement, c’est en cela qu’elle est révolutionnaire, parce qu’elle ne réformera pas à partir de ce qui a poussé dans l’ancienne civilisation capitaliste, elle reconstruira en profondeur.

Mais qui va demain porter ce mouvement d’écologie politique jusqu’aux manettes du pouvoir ?
Europe Ecologie a pris un bon départ grâce à l’innovation politique qu’elle a su porter pendant la campagne des européennes en mettant au cœur de son rassemblement des contradictions politiques dont la mise en tension était susceptible de produire du neuf sans nier les identités des uns et des autres, ce qu’Edgard Morin appelle le dialogisme. L’Europe était un espace propice pour mettre sur orbite un nouveau satellite civilisationnel car elle est elle-même un espace de mise en tension permanente et elle offre des cadres encore en construction.
Mais la relocalisation, à l’échelle nationale, des enjeux de l’écologie politique tiendra-t-elle le choc du retour au pays et du rétrécissement des débats ? Sortira-ton du sempiternel jeu des « plus à gauche que moi tu meurs » ou « moins écolo que moi tu survis pas » qui mortifie à coup de signifiants répétitifs de « gauche gauche » ou « gauche de la gauche » et de dénonciation droitière le débat politique dont on a besoin aujourd’hui en France. Peut-on oser dire et écrire cela aujourd’hui sans se faire taxer d’affreuse « social démocrate » ? C’est parce que je n’ai aucun doute sur mes convictions que j’ose m’exposer à la vindicte révolutionnaire, ceux qui s’en offusquent auraient-ils des doutes qu’ils préfèrent refouler et dissimuler à coup de slogans et de stigmatisations ?
L’écologie politique est l’otage des histoires politiques, qui en France ont des racines sociales engluées dans la culture industrielle et des racines environnementalistes déconnectées des réalités sociales. Ce n’est ni en repeignant les uns en vert et les autres en rouge que nous y arriverons. Il nous faut avancer avec des pensées politiques reconstruites et novatrices, c’est ce que les fondateurs d’Europe Ecologie avaient compris, la touche libertaire est aussi sans doute nécessaire pour que la mayonnaise prenne et que la gauche prenne de la hauteur ! C’est dans la troisième dimension que nous construirons l’écologie politique de demain.

Martine Alcorta, ex candidate Europe Ecologie dans le Sud-Ouest
 

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