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Les ambiguïtés de la liste Europe Ecologie
Pour beaucoup de militants extérieurs aux Verts, le simple fait que DCB soit la vedette affichée de cette liste suffit à en faire une liste écolo-libérale. Certes Dany est capable de tout et s’est déjà fait remarquer par ses appels du pied au Modem au moment des présidentielles et plus récemment par ceux en direction de Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de Sarkozy.

Mais le problème va bien au delà de Dany. Cette liste est apparue comme une bouée de sauvetage pour un parti vert sonné par les 1,57 % de Dominique Voynet à l’élection présidentielle, conscient de la dépendance de plus en plus grande vis à vis du PS avec un nombre de listes autonomes aux municipales de 2008 moindre qu’en 2001, déprimé par l’immobilisme de la direction et ne supportant plus le repli identitaire impulsé par la secrétaire nationale et ses amis.

Dans un premier temps, l’idée d’une liste dépassant les Verts et mettant au centre du débat européen le refus des politiques économiques libérales et la nécessité de la décroissance de l’empreinte écologique (tel que voté par le conseil national d’octobre sous l’impulsion des militants de la gauche des Verts), qui plus est en incluant José Bové, pouvait apparaître comme tentante. Mais, très vite, il est apparu que la direction des Verts était prête à tout accepter au nom de la perspective d’un score honorable en juin 2009. Non pour avoir des députés européens Verts, mais pour pouvoir négocier dans de bonnes conditions les prochaines élections régionales avec le PS.

Or il apparaît de plus en plus probable que le mode de scrutin des élections régionales va être modifié pour renforcer le bipartisme. Ensuite la dynamique promise n’est pour le moment pas au rendez-vous (à peine 4500 signatures en presque 3 mois et ce alors que les Verts revendiquent près de 8000 adhérents) et l’enthousiasme des militants est quelque peu douché d’autant que le processus de mise en œuvre de cette liste n’a pas grand chose de démocratique.
Jusqu’à présent, les Verts français sont considérés comme des quasi « gauchistes » pour le reste des partis Verts d’Europe, notamment pour leurs positions sur les questions sociales et d’immigration et le refus d’envisager des alliances avec des partis centristes ou de droite. Le projet politique porté par Europe Ecologie consiste donc à les recentrer principalement sur l’environnement et à ne plus refuser des alliances politiques au centre ou y compris à droite comme en Allemagne où les Grüenen sont en alliance avec la CDU dans certains land. Il est donc significatif que la majorité de la direction des Verts ait refusé de s’opposer à la présence du MEI dans le rassemblement et plus largement de toute force ou personne qui participe à des alliances à droite, même si finalement le MEI claque la porte à son initiative faute de poste éligible.

Le Manifeste du Rassemblement, rédigé par quelques personnes et non soumis au débat est aussi très représentatif du glissement, au nom du rejet du productivisme, vers le refus de nommer le système économique actuel. La seule critique porte sur « le laisser-faire du libéralisme » auquel est opposé comme autre politique « celle de la responsabilité », « la nécessité que les sociétés humaines se ressaisissent » et d’« agir sur les structures de nos sociétés et travailler en même temps à une insurrection des consciences ». A lire ce manifeste, on a la désagréable impression que la responsabilité du paysan du fin fond de l’Afrique est la même que celle de la jet-set des pays du nord. Alors certes il nous faut changer nos modes de vie vers plus de sobriété, moins de gâchis pour tous ceux qui peuvent aujourd’hui consommer plus que nécessaire. Mais beaucoup d’habitants de cette planète sont encore dans la survie et les changements individuels de comportement ne suffiront pas à faire face à la crise. C’est bien une remise en cause en profondeur du système capitaliste en vigueur qui est nécessaire.

On pourrait aligner les exemples de textes plus qu’ambigus que ce soit la profession de foi de DCB pour appeler les adhérents Verts à voter pour lui, une tribune de Jean-Paul Besset dans Mediapart ou les grands axes proposés pour le programme où la question sociale est réduite à la portion congrue.

L’ambiguïté repose aussi sur le fait de laisser croire que des mouvements associatifs soutiennent cette liste quant il ne s’agit que d’individus, puisque des associations dont ils sont originaires ne soutiennent jamais de listes aux élections. José Bové en place éligible permet d’escamoter les insuffisances de positionnement politique de la liste. Enfin deux projets cohabitent : celui consistant à renforcer les Verts et un autre prévoyant la constitution d’une nouvelle force politique à partir des comités Europe Ecologie, qui dans ce cas serait très clairement déportée vers le centre. L’issue de cette confrontation dépendra pour beaucoup du score de juin.

C’est vrai qu’en dehors des Verts, pour les autres partis politiques l’écologie n’est encore trop souvent qu’un mot ajouté en fin de phrase ou de paragraphe et que les députés Verts au parlement européen sont encore souvent bien seuls sur certaines batailles environnementales. On pourrait à la rigueur accepter de faire l’impasse en se disant qu’il faut quelques députés écologistes pour que les thématiques environnementales ne soient pas absentes. Mais d’un autre côté, la lutte contre la poursuite de la libéralisation de pans entiers de l’économie, celle contre le démantèlement des quelques protections sociales non encore supprimées au niveau européen, celle contre la guerre et notamment contre le refus de l’intervention en Afghanistan sont tout aussi nécessaires.

On se retrouve donc pour l’échéance européenne face à des projets politiques peu enthousiasmants et surtout pas à la hauteur des recompositions politiques nécessaires en France.

Martine Billard
 

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